Fils, tu veux devenir bon au curling? Regarde jouer Wayne Middaugh!

La saison de divers championnats de curling vient tout juste de prendre fin. Pour les amateurs de curling, ça représente plus de 90 rencontres diffusées sur les ondes de RDS ou de RDS2.

Wayne Middaugh (photo by Michael Burns)

Ou si vous préférez, plus de 270 heures d’antenne. Personnellement, ça équivaut à  900 bouts de curling, 14 400 pierres lancées, commentées, analysées. Selon mon statisticien personnel, les mots ou expressions les plus utilisés furent les suivants : placement pour deux, sorties montées,  pierre coin à coin et « Quel beau lancer de Wayne Middaugh! ». Dans plusieurs disciplines sportives,  les médias ont pris l’habitude de nommer, chaque saison, le joueur, l’athlète, qui a effectué le plus beau retour de la saison. Qu’entend-on par « retour »? Quels sont les critères d’admissibilité à un tel honneur? J’imagine qu’un des critères premiers est d’avoir déjà connu du succès. Les frappeurs de .230 en carrière ou les marqueurs de 12 buts se font rarement attribuer le titre de retour de l’année dans leur sport respectif. Un autre élément important est d’avoir connu une certaine baisse de régime au cours des années précédentes. Probablement à un point tel que les amateurs ou journalistes en étaient presque rendus à croire que ses belles années étaient définitivement derrière lui. Finalement, l’élément sans aucun doute le plus important est de connaître une saison exceptionnelle, et cela, au-delà de remporter un titre quelconque. Il faut, à mon avis, que ce joueur ou athlète ait marqué sa discipline de façon si importante qu’il réussisse sans équivoque à attirer de nouveau le regard admiratif des fans et des journalistes. Après m’être tapé toutes ces heures, toutes ces pierres à m’évertuer à vulgariser et à rendre accessible un sport aux nombreuses subtilités, je peux me permettre d’affirmer que Wayne Middaugh, vice-capitaine de la formation canadienne au dernier Championnat du monde, mérite d’emblée cet honneur. Nul besoin de vous faire part que Wayne et moi n’avons jamais été très copains-copains. En plus de nous avoir privés, mes amis et moi, d’un grand honneur en finale du Championnat canadien en 1998,  Wayne est un de ces joueurs qui évoluent sur la plus haute scène du curling canadien, à l’instar de Kevin Martin et de quelques autres, à ne pas avoir vraiment cru que je méritais le traitement de faveur que m’ont accordé les amateurs de curling canadiens durant ma carrière active et il s’est assuré de me le laisser savoir aussi souvent que possible. Tout ça pour dire que la traditionnelle poignée de main d’avant match où l’on se souhaite mutuellement bonne chance n’était pas, d’un côté comme de l’autre, empreint de sincérité.

Wayne Middaugh & Glenn Howard (photo by Michael Burns)

Mais est-ce la maturité de ma part, je frôle quand même la cinquantaine, ou simplement le fait que je n‘aie plus à l’affronter dans des matches cruciaux? Quoi qu’il en soit, ma perspective à l’égard de Wayne a grandement changé. Après l’avoir observé de près au cours de dernières semaines, Wayne aussi a grandement changé. Pour bien s’acclimater dans son nouveau rôle de vice-capitaine, il a dû laisser tomber un peu de cette arrogance qui le caractérisait comme capitaine.  Nombreux sont les observateurs qui clament que ce genre d’arrogance est nourri par une suprême confiance en soi et une condition sine qua non au succès. Permettez-moi de mettre un bémol sur cette affirmation trop souvent répandue : certains grands joueurs de curling ont eu beaucoup de succès sans avoir à « beurrer trop épais » sur l’arrogance. Je pense entre autres à David Nedohin, Kerry Burtnyk et à plusieurs autres. Ceci étant dit, Wayne Middaugh, en plus de montrer une humilité qu’on ne lui connaissait pas lors des Championnats canadiens et mondiaux, a démontré tous ses talents aux téléspectateurs. Pas seulement son talent en terme de capacité à effectuer l’ensemble des coups disponibles durant un match de curling, car il les a tous. Peu de joueurs  peuvent maîtriser le placement précis et la sortie tout en puissance aussi bien que celui-ci peut le faire. Il possède l’inventaire complet des coups dans son sac. Il a également étalé sa très grande habileté à lire la trajectoire des pierres. Il est probablement le meilleur présentement dans le domaine sur la scène canadienne. Mais ce qui motive encore davantage mon choix de le consacrer joueur ayant effectué le plus beau retour est sa compréhension des stratégies et tactiques lors des matches. Les discussions qu’il a eues avec ses coéquipiers concernant telle ou telle situation durant les deux championnats valaient à elles seules le prix d’entrée. Nous avons, au curling, l’avantage d’avoir un micro sur les joueurs, ce qui nous permet, nous, amateurs, non seulement de bien comprendre ce que les joueurs tentent de faire, mais également pourquoi ils tentent de le faire. Si j’étais entraîneur au curling,  la première chose que je ferais serait de forcer mes joueurs à se taper tous les matches disputés par l’équipe Howard cette année sur les ondes des différentes stations et je leur demanderais de porter une attention particulière non pas sur les résultats, mais sur les discussions entre les membres de l’équipe Howard. Pas seulement dans les moments importants, mais avant chaque lancer. Ce sont les petits détails qui font la différence et cette équipe, agrémentée de l’expérience de Wayne Middaugh, n’en a laissé passer aucun. Wayne Middaugh a déclaré, au cours d’une entrevue durant le Championnat Canadien, qu’il avait réussi à s’acclimater à son rôle de vice-capitaine lorsqu’il avait compris que le succès de l’équipe passait avant toute chose, ce qui incluait, évidemment, avant même son propre égo. Chapeau, Wayne!