Depuis quand y a-t-il des officiels au curling ?

Prendre une semi-retraite du curling actif comporte quand même quelques bons côtés. Je sais que l’on pense tout de suite aux moments difficiles. Ne plus participer à la compétition peut laisser, chez les compétiteurs de longue date, un syndrome post-olympique assez difficile à surmonter. Toutes ces années d’entraînement et de concentration envers un seul objectif peuvent laisser un vide qui, pour la plupart, n’est pas facile à combler. Heureusement, pour beaucoup d’entre nous, le retour au bercail, non seulement sur le plan physique mais encore plus sur le plan psychologique et émotif, laisse toute la place à une toute nouvelle série de tâches tout aussi intéressantes les unes que les autres. Combien de fois, au cours de ses longs automnes sur la route, ne rêvions-nous pas de pouvoir vivre une vie normale de bon père ou mère de famille, les fins de semaine venues? Aller cueillir des pommes, ramasser des feuilles, laver les fenêtres n’étaient, pour les compétiteurs, que du domaine des couples normaux, auquel nous étions loin d’appartenir. Écouter le football de la ligue nationale aussi ne faisait pas partie des choses accessibles sur une base régulière. Dorénavant, nous avons la possibilité de nous taper trois matchs consécutifs tous les dimanches, je ne parlerai même pas du “Monday night football”. Quoi de mieux pour occuper nos lundis soirs pendant que notre conjoint (e) est hypnotisé (e) par la “Galère” sur la chaîne nationale. Cependant, ceux qui ont suivi les premières rencontres de la saison de ce circuit de football ont eu le déplaisir de suivre leur sport favori utiliser des officiels de remplacement. N’ayant pas réussi à s’entendre avec les officiels réguliers pour renouveler leur contrat de travail au cours de la saison estivale, la NFL a fait appel à des amateurs pour diriger la circulation. Bien que les premiers matchs de la saison se  soient déroulés dans un calme relatif face au travail assez irrégulier des officiels amateurs, plus la saison avançait, plus il devenait urgent pour les dirigeants de la ligue de solutionner le problème. Toute la ligue en question était en train de perdre sa crédibilité auprès des nombreux fidèles amateurs. Ce qui m’a le plus étonné- pour ne pas dire déçu- dans cette situation, n’a pas été les réactions des hommes rayés, mais bien celles des joueurs et des entraîneurs. À mesure que la saison avançait, ceux-ci tentaient de plus en plus de profiter de l’inexpérience des officiels. Sans vouloir les accuser de tricheries, disons qu’ils tentaient de profiter de certains règlements qui laissent place à l’interprétation. La plupart des observateurs qualifiaient cette situation de presque normale, pour ne pas dire compréhensible. Ce comportement de la part des entraîneurs et des joueurs était peut-être compréhensible pour l’amateur de football expérimenté, mais pour l’amateur de curling en moi, cet abus, ce non-respect du sport et de ses règlements, ne l’était pas du tout. Sans vouloir en rien diminuer la tâche des officiels au curling, disons qu’ils jouent un rôle beaucoup plus discret, plus discret évidemment parce que le curling n’est pas un sport de contact comme le football ou le hockey. Plus discret également parce que les compétiteurs en curling sont habitués de disputer la plupart de leurs rencontres sans la présence d’officiels. Seulement dans les Championnats nationaux ou internationaux, on fait  appel à un groupe d’officiels expérimentés et qualifiés pour s’assurer du bon déroulement des rencontres. Dans la plupart des autres rencontres, leurs joueurs impliqués respectent les règles non seulement écrites mais également les règles d’éthique associées au curling. Celles-ci, à l’image du golf, sont très nombreuses au curling. Que l’on se retrouve en présence d’officiels ou non, les joueurs respectent toujours ces règles! Un des règlements les plus difficiles à appliquer au curling concerne les contacts avec les pierres en mouvement (généralement par les brosseurs). Il va de soi que la plupart des infractions sont évidentes. Mais il arrive à l’occasion que le joueur qui commet la faute soit le seul à être conscient qu’une faute vient d’être commise. Il sera le premier à l’indiquer de façon évidente à l’adversaire qu’il vient de commettre une faute et la situation sera corrigée après une discussion entre les deux capitaines sur la glace. Dans les faits, la très grande majorité des fautes sont négociées de cette façon entre les capitaines. Pour illustrer cette caractéristique propre au curling, j’aime bien raconter un incident qui s’est déroulé il y a une dizaine d’années, en pleine série mondiale du baseball majeur. Sans vous raconter la rencontre dans tous les détails, disons simplement que le match était à égalité en milieu de rencontre. Un joueur des White Sox de Chicago, dont j’oublie le nom, vous pouvez blâmer ma sénilité pour ce manquement, se présente à la plaque avec deux retraits. Un lancer un peu trop à l’intérieur atteint le joueur en question qui s’empresse de filer au premier coussin tel que le stipulent les règles de ce sport chéri des Américains. Le frappeur suivant frappe un circuit. Les Whites Sox remportent le match et, ultérieurement, remporteront la série mondiale. Le problème est que le lancer à l’intérieur de l’artilleur n’a jamais touché au frappeur. Il s’agissait plutôt d’une fausse balle. Le frappeur aurait dû obtenir une prise plutôt qu’un laissez-passer vers le premier but. La reprise l’a clairement démontré. Tout le monde dans l’amphithéâtre, tous les spectateurs, tous les joueurs, même les opposants et même tous les officiels étaient convaincus que le frappeur avait été atteint. Un seul joueur savait qu’il ne méritait de laissez-passer vers le premier. Un seul. Au curling, le joueur fautif aurait rapidement indiqué sa faute aux officiels ou, si vous voulez, la mauvaise interprétation de la situation. Au baseball, comme dans plusieurs autres disciplines sportives, la réaction du joueur de White Sox aurait été considérée comme compréhensible et acceptable. Pas au curling. Cette attitude ne fait pas partie prenante de la culture de notre sport. Nous développons nos athlètes dans un respect constant, permanent, non seulement des règles du sport mais également de l’adversaire. Ceux qui n’adhèrent pas à cette philosophie ont rarement la chance de se développer et d’atteindre les plus hauts sommets de compétition. Alors vous comprendrez ma grande déception devant la réaction non seulement des joueurs mais également des entraîneurs dans le conflit opposant la NFL avec ses officiels. Autre sport autre mœurs. Disons que cette situation m’a donné l’occasion, une fois de plus,  d‘être fier d’avoir choisi ce sport et aussi de ramasser mes 34 sacs de feuilles sans avoir l’impression de gaspiller mon dimanche après-midi !