In curling, God, we trust!

Les Dieux du curling existent-ils vraiment? Si oui, ils doivent passer leurs vacances ou leur samedi soir en compagnie des Dieux du golf, des Dieux des cartes et de ceux du poker! Ils doivent se fréquenter puisqu’ils ont les mêmes goûts, les mêmes habitudes, le même esprit tordu. Ces Dieux interviennent quand bon leur semble, indifféremment du nombre de prières que vous leur avez consacrées. Ils se manifestent soudainement, sans raison aucune. Ils vous suivent de prės durant une certaine période plus ou moins longue dépendamment de leur humeur ou peut-être de votre appréciation envers leur contribution. Chose certaine, ils ne se manifestent jamais pour deux individus au même endroit! Ils ne préconisent pas la justice ou l’égalité des choses (on peut rapidement conclure que les officiels au hockey n’en sont pas…). Ils ne servent qu’un maître à la fois, ne démontrant aucune pitié, aucune empathie envers ceux qui s’opposent aux volontés du maître du jour! Leur cruauté est sans limites. Ils imposent une douleur insurmontable aux adversaires qui n’ont d’égal que la joie et le bonheur qu’ils procurent aux êtres choisis. Un de mes anciens collègues, pour qui j’ai encore aujourd’hui un immense respect, disait toujours qu’il y a deux circonstances où l’on se doit de gagner au curling. La première lorsque notre capitaine est en feu. L’autre, lorsque les Dieux du curling se manifestent en votre faveur. Dans les deux circonstances, disait-il, le rôle de coéquipiers est simplement de ne rien faire qui puisse empêcher l’un ou l’autre d’accomplir son travail. Tous ceux qui ont déjà participé à notre sport favori ont déjà goûté, à un moment ou à un autre, à l’ivresse que procure l’une de ces situations. Dans les deux cas, on se sent invincible. Rien ne nous empêchera de gagner. La confiance qui nous est si indispensable est tout à coup doubler,  tripler, quintupler en fonction de la durée de la période prolifique en question. Si vous mettez en doute mes propos, c’est que n’avez pas suivi le dernier Championnat de curling junior masculin. Si vous avez déjà senti le souffle chaud des Dieux du curling vous souffler dans le cou, vous les avez reconnus, vous les avez presque vus, accrochés littéralement après le fond de culotte du jeune capitaine Matt Dunstone du Manitoba. Sans ne rien vouloir enlever au talent ou à l’excellente performance du jeune capitaine et de ses coéquipiers, 17 ans seulement et déjà un titre canadien en poche pour le jeune Dunstone. Disons cependant qu’il n’était pas seul sur la surface glace du Macdonald Island Park de Fort McMurray le week-end dernier. Laissez-moi vous relater les faits. Lors de son dernier match du tournoi à la ronde, le Manitoba avait besoin d’une victoire pour forcer sa participation à un bris d’égalité pour la troisième et dernière position dans la ronde des médailles. Tout semblait perdu dans la dixième manche face à la Saskatchewan. Malgré un retard de 2 points dans le match, le capitaine de la Saskatchewan s’est retrouvé avec la victoire à bout de doigts. Avec déjà deux points bien installés dans les cercles de couleurs, tout ce dont il avait besoin était un placement, n’importe où dans la maison. Une mordeuse était suffisante pour éliminer le Manitoba! Coup relativement facile, peu importe votre niveau de jeu. Mais les Dieux du curling en ont décidé autrement! Et le jeune Matt Dunstone s’est retrouvé quelques heures plus tard en bris d’égalité face à l’Ontario. Lors du bris d’égalité, les Dieux du curling n’étaient toujours pas rentrés au bercail puisque, lors de la dernière pierre de la rencontre, le capitaine ontarien, lui aussi, avait l’égalité au bout des doigts. Il avait besoin d’une sortie ouverte pour remporter le match. Sa pierre a touché un garde au passage et le Manitoba a encore une fois gagné de façon in extremis, volant tout simplement la victoire. Sur le visage du jeune Dunstone, on pouvait presque lire la stupeur. Il commençait à réaliser que quelqu’un, quelque part, voulait qu’il gagne ce championnat. Lors de la finale, une rencontre que le jeune a très bien dirigée, faisant preuve d’une patience de vétéran, ne laissant pas à l’adversaire plus expérimenté la chance d’imposer son style de jeu, il a quand même dû bénéficier du support des ses nouveaux amis. Il a réussi une superbe double sortie sur son dernier lancer, mais pour ce faire il a  utilisé une pierre à l’intérieur des cercles qui s’était retrouvée là, sur son lancer précédent, dans des circonstances presque paranormales. Oui, le Manitoba a remporté le titre, et oui, il a sans aucun doute tiré avantage de la présence des Dieux du curling dans son clan. Il faut cependant rendre à César ce qui appartient à César et reconnaître que les Dieux du curling, du poker ou de toute autre discipline ont tendance à se manifester beaucoup plus souvent du côté de ceux qui sont prêts à payer le prix pour leur faire une petite place quand ils décident de se manifester (comme disait le même ancien collègue à moi: « Plus je pratique, plus je suis mardeux »). Une seule question qui me vient à l’esprit en ce moment est de savoir combien ils seront dans cette formation gagnante à prendre l’avion en direction de Sotchi pour les Championnats mondiaux de curling junior le mois prochain. Espérons que nos représentants redoubleront d’efforts avec les entraîneurs canadiens pour s’assurer de garder un petit peu de place dans leurs bagages au moment de passer les douanes russes. Un mois d’inactivités, c’est extrêmement long, presque une éternité pour les “Divinités” de ce monde…