À la maison : regarder le curling ensemble, ça nous rapproche

On est 1988 et j’ai neuf ans. C’est une année vraiment importante pour le sport de curling, et aussi pour ma maman, Marilyn Barraclough. Le curling fait son début en sport de démonstration aux Jeux Olympiques d’hiver à Calgary, et Maman est présidente de l’Association canadienne de curling féminin qui, quelques années plus tard, fusionnerait avec l’association masculine pour établir ce qu’on connaît aujourd’hui comme l’Association canadienne de curling.
The author stands with her mother and the Scotties mascot at the 1989 Scotties in Kelowna (Photo courtesy Kim Perkins)

L’auteure de l’article, sa mère et la mascotte Scotties au tournoi Scotties 1989 à Kelowna (photo soumise par Kim Perkins)

Chez moi à Yellowknife, NWT., je viens justement de commencer à pratiquer le curling dans un programme junior que ma mère a aidé à mettre sur pied. Cette même année, j’ai la chance d’aller à Calgary avec mes parents pour regarder les Jeux Olympiques; maman y a un rôle officiel, moi et mon père ne sommes que des spectateurs. «Comme c’est beau, non, entendre toutes ces différentes langues, et tout le monde qui se rassemble ici en parlant une seule et même langue, celle du sport compétitif?» demande mon père alors qu’il m’explique ce qui se passe sur la piste. J’ai les yeux écarquillés en contemplant les compétitions qui se jouent sur la glace, et j’épie Maman parmi les délégués et les officiels. C’est à ce moment précis que je comprends que d’une façon ou d’une autre, le curling fera partie de ma vie, pour toute ma vie, tout comme Maman. Au tournoi des Cœurs Scotties 1989 à Kelowna, j’étais dans les tribunes avec ma mère, et c’est à ce moment-là où je me suis éprise du rôle de spectatrice. J’ai réalisé qu’en regardant, j’apprendrais à être une meilleure joueuse. J’ai aussi découvert que rien n’est comparable à l’expérience de regarder le curling en direct, dans l’aréna : c’est une expérience dont tous les joueurs et joueuses, quel que soit le niveau de compétence, peuvent bénéficier. L’expérience de regarder en direct vaut bien le prix d’un billet. Aux événements majeurs, il y a normalement plusieurs matchs qui se contestent en même temps, et ce n’est pas chose facile, suivre toute l’action, tous les lancers. Et la foule est tellement engagée, tellement dynamique et bruyante, quoiqu’elle soit assez polie pour ne pas huer ni applaudir les coups ratés, et on sait se taire ou du moins se calmer quand un joueur s’apprête à lancer. L’autre grand avantage de regarder en direct les événements de curling est les gens que vous croisez. Inévitablement, plus d’événements auxquels on assiste, plus de visages familiers on voit dans la foule. Au fil des années, ma mère m’emmenait regarder le Brier ou le tournoi Scotties, et encore plus après que notre famille a déménagé à Calgary en 1995. Mais ces jours-ci, nous avons tendance de regarder les matchs dans le confort de chez nous, tel beaucoup d’autres fans à travers le pays. Mon père et mon époux quittent la salle après un bout de temps, mais Maman et moi restons collées à l’écran. Bon, ce n’est pas tout à fait vrai : nous ne laissons jamais d’en discuter, du commencement du match jusqu’à la toute fin. Si par hasard nous ne sommes pas ensemble pour regarder un match important, nous sommes pendues au téléphone. Il ne faut que la commentatrice TSN Linda Moore énonce la critique la plus mineure, et Maman et moi nous lançons dans une discussion minutieuse : comment aurait-on pu diriger autrement le coup, quelle approche aurait mieux réussi? Les statistiques s’affichent et nous réagissons aux hauts et aux bas, puis nous déclarons toutes les deux presqu’au même moment : «Faut pas trop se fier aux statistiques; la chance y est pour beaucoup…» et d’autres perles de sagesse. Les paroles ne valent rien, comme on dit, mais il n’empêche que je me rends chez mes parents pour regarder la finale du Brier avec ma mère cette année, et je ne troquerais notre temps ensemble contre rien au monde. Je sais que, à cette étape de la saison en particulier, je prône aux joueurs et joueurs dans les ligues communautaires de ne pas tomber dans le piège d’essayer les lancers super-compliqués comme ils voient au Brier/Scotties, et je défends cet avis. Pourtant, cette année, je ressens un peu d’émoi. À tous les téléspectateurs et téléspectatrices, spectateurs et spectatrices du curling : je tiens à vous dire que l’acte de regarder le curling est quelque chose de très spécial, que vous le fassiez dans l’aréna ou dans votre salon. Et si cela sert à vous rapprocher de votre famille, comme c’est le cas pour moi, et si cela vous donne de l’inspiration pour vous impliquer au sport, bon, je suis ravie de l’état actuel de mon sport.
HC 1989 Scotties sweep cropped

Marilyn Barraclough, ancienne présidente de l’ACCF et membre du Temple de la renommée du curling canadien, lance la première pierre honorifique avec au balai la médaillée d’or olympique calagaroise Linda Moore, au Tournoi des Cœurs Scotties 1989 à Kelowna ((photo soumise par Kim Perkins))