Pierre qui roule jusqu’à Eeyou Istchee!

Le curling avec une nuance et un regard nouveau à Eeyou Istchee

Par Dr Richard Norman

En quittant Whapmagoostui (ᐙᐱᒫᑯᔥᑐᐃ) / Kuujjuarapik (ᑰᔾᔪᐊᕌᐱᒃ), je suis frappé par la vaste étendue gelée qui s’étend à l’horizon. Je suis en route pour Chisasibi (ᒋᓵᓰᐲ, « Grande rivière »). Le Nord est stupéfiant, d’un autre monde et, pour mes yeux non exercés, apparemment vide, les derniers vestiges de l’activité humaine ayant été remplacés par des arbres, des rochers, de l’eau et tout le reste. J’ai la nette impression d’être un invité sur cette terre (dans « mon propre pays? »).

Nous avons tendance à oublier l’immensité de ce territoire.

Je rencontre Rhonda Spencer et Roy Neacappo, membres du comité d’organisation, qui font que « le curling débarque à Eeyou Istchee ». Chisasibi fait partie de ᐄᔨᔫ / ᐄᓅ ᐊᔅᒌ / Eeyou Istchee, « La terre du peuple », qui représente un certain nombre de communautés cries couvrant un territoire traditionnel impressionnant dans ce que nous appelons le Québec.

Roy Neacappo au Job’s Memorial Garden Arena de Chisasibi, au Québec, qui accueillera cette semaine « Bringing Curling to Eeyou Istchee ». (Photos, Curling Canada/Richard Norman)

Alors que nous descendons, je suis à la fois emballé et débordant de paix, impatient de voir Rhonda et Roy en chair et en os. Je suis accueilli avec des sourires, chaleureusement. J’étais loin de me douter que mon éducation était sur le point de commencer, m’offrant un rare aperçu du monde d’autrui. Roy m’a servi de guide touristique de facto, ce qui était tout à fait approprié puisqu’il semblait connaître tout le monde.

« Oh, c’est l’oncle de notre communauté », plaisante Corrina Napash, la cheffe des jeunes.

Pourtant, l’oncle, la tante, le frère et la sœur – ces appellations ont ici une signification qui transcende les liens du sang -, tout le monde est de la même famille. Ce sentiment d’appartenance est enraciné au sein de la communauté. On le ressent dans chaque salutation, chaque sourire et chaque poignée de main.

Le but de mon voyage était d’en savoir plus sur Chisasibi. Je voulais savoir pourquoi cette communauté et pourquoi le curling? Pourquoi faire venir dans le Nord des gens comme Kerri Einarson, Kevin et Jamie Koe, Al Hackner? C’était quelque chose de spécial. Rhonda nous a donné un aperçu.

« Nous voulions offrir quelque chose de nouveau à la communauté. C’est [le curling] une activité sociale et nous voulons que tout le monde y participe. » Il semblait naturel de lier la sociabilité du curling à une communauté déjà très unie.

Cet objectif est alimenté par un sentiment de fierté dans le fait de redonner à la communauté. Un engagement à assurer l’avenir de ses jeunes, qui représentent 65 % de la population. Il s’agit d’une communauté en plein essor, mais consciente de son passé – des traditions nées de leurs terres, qui ancrent le présent. Lorsque Roy a parlé du départ de Fort George et des pensionnats, il s’agissait d’une histoire actuelle, d’un souvenir vécu. J’ai eu du mal à le comprendre, jusqu’à ce que je voie une photo de lui enfant, au musée, tenant une oie, alors qu’il décrivait la scène. J’ai ressenti la proximité de tout cela : le passé, le présent et l’avenir réunis, où les aînés – leurs gardiens du savoir – font partie intégrante de la vie quotidienne de la communauté.

Le dynamisme de la communauté témoigne de sa résilience, mais aussi de son ingéniosité, de son sens de l’adaptation et, surtout, du plaisir.

Roy plaisante : « Nous prenons les choses et leur donnons une petite touche [crie]. »

De gauche à droite, Roy Neacappo, Nellie Bobbish et Rhonda Spencer – membres du comité organisateur de Bringing Curling to Eeyou Istchee.

Cela semble faire partie d’une manière d’être, comme l’ont montré Roy et Barry Bearskin (directeur général de l’exploitation) en racontant, en riant, leur version du baseball, avec des changements de règles – disons-le – qui en font un jeu auquel j’aimerais beaucoup jouer. Cette audace de réimaginer semble être une façon appropriée d’initier leur communauté au curling, en l’adaptant avec brio.

Rhonda fait remarquer : « Nous voulons nous l’approprier. »

De l’apparence à la sonorité, en veillant à ce que tout le monde y trouve son compte. Ateliers d’apprentissage du curling, formation à la fabrication de la glace, tout est fait pour assurer un héritage durable à la communauté, même en ce qui concerne la façon dont cela se rattache à sa culture.

Roy réfléchit : « Pour moi, [le curling] c’est comme la chasse. Le jeu du chat et de la souris, le coup et la réplique. C’est comme traquer une proie. » Finis les « échecs sur glace », voici le curling avec une touche, une touche crie.

Pour moi, « rencontrer les gens là où ils sont » est précieux, en particulier en ce qui concerne nos peuples autochtones sur les terres desquels nous vivons. Dans le Sud, nous parlons de décolonisation, mais être là, en présence de… J’ai encore tant à apprendre. Je me sens honoré et privilégié d’avoir eu un aperçu intime de leur monde.

Plus de 4 000 kilomètres, 18 heures dans les aéroports et une expérience que je n’oublierai jamais. L’odeur indescriptible des branches d’épicéa est encore présente dans ma mémoire.

L’événement « Le curling débarque à Eeyou Istchee » se déroulera du 15 au 25 avril 2024 à Chisasibi, au Québec.

Pour plus d’informations, contactez Rhonda Spencer (coordonnatrice du développement des jeunes) [email protected] ou Roy Neacappo (coordonnateur des loisirs) [email protected] / (819) 855-2878

Curling Canada