Coup de folie avec Brendan Bottcher

Cette semaine, John parle avec Brendan Bottcher, qui vient de décrocher la qualification finale aux Essais canadiens de curling Tim Hortons Roar of the Rings. En plus de cet exploit remarquable, Brendan est également ancien champion du monde junior, médaillé de bronze à l’Universiade d’hiver, et en 2017 il a représenté l’Alberta au Brier Tim Hortons. Bienvenue à Coup de folie, une série de Curling Canada où le comédien John Cullen s’entretient avec vos joueurs et joueuses favoris en vue d’amorcer une discussion où tous les coups sont permis. Chaque entretien consiste en huit questions, dont cinq questions régulières posées à chaque joueur ou joueuse, deux questions qui portent spécifiquement sur la personne interviewée, et une question qui aura été proposée par la personne interviewée précédemment.

Brendan Bottcher, capitaine d’Équipe Alberta, sur la glace au Brier Tim Hortons 2017 à St. John’s, T.-N.-L. (Curling Canada/Michael Burns photo)

1. Au-delà des voyages, quelle est l’occasion la plus passionnante que le curling t’ait procurée? Brendan Bottcher: La possibilité d’entraîner quelques équipes internationales a été très enrichissante pour moi. J’ai eu la chance d’aller en Corée du Sud et travailler avec ses équipes masculine et de doubles mixtes, et présentement je travaille avec l’Espagne, où j’entraîne l’équipe de doubles mixtes, et c’est génial. Ces joueurs et joueuses m’apprennent beaucoup, je forge de nouveaux liens d’amitié, je vis de nouvelles expériences, et étant donné mon âge (note de la rédaction : Brendan a 25 ans en date de cet article), c’est vraiment splendide. John Cullen: J’ai remarqué que tu entraînais l’Espagne : comment ça s’est passé? BB: Bon, j’ai participé au camp de curling Füssen au fil des quelques dernières années, et une de mes adjointes a été Irantzu—membre de l’équipe espagnole de doubles mixtes—donc c’est comme ça que nous nous sommes connus. Je me suis rendu en Espagne pour aider à les entraîner, puis j’ai fait un peu d’entraînement au Mondial de doubles mixtes, la saison dernière à Lethbridge. Je pense que cela a un peu surpris Curling Canada. (rire)

L’entraîneur Bottcher avec les Espagnols Gontzai et Irantzu Garcia au Championnat du Monde 2017 de curling en doubles mixtes, à Lethbridge, Alta. (photo FMC/Richard Gray)

JC: Surpris? Pourquoi? Il y a pas mal de Canadiens et Canadiennes qui entraînent ces équipes internationales. BB: Oui, effectivement. Je pense que sur le total de 38 équipes participantes, 17 d’entre elles avaient un entraîneur canadien. Je pense que la surprise découlait du fait que c’était moi qui tenais la barre comme entraîneur. J’ai l’horaire assez chargé, donc c’était surprenant de me voir sur le banc d’entraîneur. Et voilà où je veux en venir : au Canada, il est très, très difficile d’accéder au Mondial, quelle que soit la discipline : hommes, femmes ou doubles mixtes. Tu peux être un très bon joueur pendant très longtemps et pourtant tu ne te qualifies jamais au Mondial. Et puis si tu y accèdes, la première fois est vraiment terrifiante. Donc le fait de pouvoir y aller comme entraîneur, voir comment ça fonctionne, et acquérir cette expérience dans les coulisses pour ainsi dire, c’était très valable pour moi. 2. Si on façonnait une figurine à ton image, quel accessoire (et je ne parle pas du curling) la complèterait? BB: Je ne pense pas que ni l’une ni l’autre de mes réponses soit particulièrement intéressante, mais cette figurine se vendrait avec un bâton de golf et mon anneau du pouvoir d’ingénieur. (rire) JC: Tu es un passionné du golf? BB: Bon, passionné au sens large. Mais oui, je joue au golf. C’est mon sport de prédilection en été, et je le trouve très agréable; c’est un excellent moyen pour me détendre. Il est difficile de ne pas apporter mon esprit compétitif sur le terrain de golf, puisque je suis très sérieux en ce sens lorsque je suis sur la piste de glace, mais je suis certainement plus relaxe lorsque je joue au golf. JC: Tu n’es peut-être pas un fervent de golf, mais est-ce que tu es un bon joueur? Quel est ton handicap? BB: Si l’on tient compte de tous les gens qui jouent au golf, je suis un bon joueur. Mais je ne me qualifierais pas de «bon joueur». (rire) Mon handicap est probablement autour de 12. JC: Et je sais que tu es ingénieur de profession, et il me semble que pas mal de joueurs de curling optent pour ce métier. Pourquoi, à ton avis? BB: Je pense que pour être ingénieur il faut avoir l’esprit analytique et il faut prendre des décisions avec confiance, et ces deux qualités cadrent très bien avec le curling. En plus, on ne laisse pas de prêcher que c’est le devoir d’un ingénieur d’être éthique, et le curling est le sport le plus civilisé qui soit. Donc il n’est pas surprenant de voir tant d’ingénieurs sur les pistes de curling.

Brendan Bottcher, ingénieur : un caractère analytique, assuré, éthique – et si cela ne suffit pas, il porte l’Anneau du Pouvoir (Curling Canada/Michael Burns photo)

3. Imagine que tu vas braquer une banque : quels deux joueurs ou joueuses – et tu ne peux pas nommer plus d’un de tes coéquipiers— choisirais-tu pour ton gang, et quel rôle jouerais-tu? BB: J’inviterais Brad (Thiessen) de mon équipe à moi, et Gunner (Jason Gunnlaugson). Mettez les deux ensemble et vous auriez suffisamment de points de QI pour être à la hauteur. Puis moi je conduirais la voiture dans laquelle nous nous enfuirons. JC: Tu es le deuxième invité consécutif à s’attribuer ce rôle. Krista McCarville s’est expliquée en disant qu’elle ne voulait pas être trop impliquée dans le crime. C’est ta perspective aussi? BB: Oui, je pense que j’aurais très peur. Je t’admets que j’adorerais PLANIFIER un tel crime. Ce serait génial. C’est mon esprit analytique qui s’anime. Je pense que l’étape de planification, les ruses pour défaire la sécurité de la banque, ce serait grisant tout ça. Mais l’exécution? Non, merci. JC: Et c’est là où Brad et Gunner prennent la relève. BB: Exactement. Gunner a un don pour caresser les gens dans le sens du poil, et puis il rit tellement fort que ça va inévitablement distraire toute la clientèle et tous les employés de la banque. Puis Brad n’aurait qu’à accaparer l’argent. C’est un costaud; il pourrait manier un gros sac d’argent. Je ne pense même pas que nous ayons besoin de sortir un pistolet. Mais nous en aurions un, juste au cas où. (rire)

«Gunner a un don pour caresser les gens dans le sens du poil,» – d’où sa valeur comme complice pour braquer une banque, affirme Brendan Bottcher. (Curling Canada/Michael Burns photo)

4. De tous tes boulots, lequel a été le pire? BB: Franchement, je n’ai jamais eu de mauvais job, mais je dirais que ma pire «situation au travail» a été ces huit derniers mois. J’ai dû délaisser mon boulot pour me consacrer au curling dans cette campagne Olympique, et cela a été dur. Pas du point de vue du fric, mais il est dur de me lever le matin et ne pas avoir d’endroit où aller, pas avoir de tâches ou d’objectifs sur la journée. J’ai une personnalité qui est mieux adaptée à la routine, donc cela a été un grand défi pour moi. JC: En ayant moi-même a un congé annuel de deux mois, je te comprends entièrement. L’important, c’est d’avoir un plan, peu importe le contenu. Je suis sûr que l’entraînement au curling t’a aidé à ce titre. BB: Bien sûr, le curling aide, et j’ai même réservé les séances des mois à l’avance, de sorte que je sache : «Bon, à ce moment-ci je serai sur la glace m’exerçant aux tirs, et à ce moment-là je serai au gymnase,» et ainsi de suite. Mais tout de même, c’est dur, puisqu’il est trop facile de faire des prétextes quand on n’a pas l’obligation de travailler. On peut tout reporter à plus tard. Et mes coéquipiers travaillent encore à temps plein, donc je me sens un peu isolé, et ça c’est dur aussi. Enfin – au plaisir de renouer avec le travail au Nouvel An. (rire) 5. Te souviens-tu d’une notion ridicule à laquelle tu as cru pendant bien trop longtemps? BB: (rire) Bon, je ne sais pas si ça compte ou pas, mais j’y crois encore. Le concept qu’il est possible de mener une vie décente en tant que joueur de curling à temps plein. Puisque crois-moi, j’ai fait l’expérience, et ce n’est pas possible, en aucun cas. (rire) JC: Mais il y a tant de personnes qui essaient de le faire présentement, Brendan. (rire) BB: Ouais, mais toutes les têtes de classement qui prétendent être «joueur professionnel» exercent au moins une activité parallèle. La grande illusion que, d’ici quelques années, nous serons tous des athlètes professionnels, ça n’a aucun rapport avec la réalité, à moins qu’un bouleversement de proportion sismique ne survienne dans notre manière de jouer et de financer le sport. Qu’on ne se méprenne pas : c’est un rêve que je poursuis depuis un bon bout de temps, mais pour les joueurs et joueuses canadiens, je ne pense pas que ce genre de scénario soit réaliste. 6. On passe maintenant aux questions qui portent spécifiquement sur Brendan Bottcher, et j’en ai une super pour toi pour commencer : es-tu le joueur le plus réussi au monde qui habite toujours chez ses parents? BB: (rire) Bon, je prends ombrage à cette notion puisque je suis chez moi, quoi – le quart du temps? Mais je pense que la réponse c’est non. JC: Donc qui est digne de ce titre, si ce n’est pas toi? BB: Je ne sais pas, mais il doit y avoir quelqu’un de mieux qualifié. Envoyez vos courriels à John pour le faire savoir! (rire) Je tiens à acheter une résidence ici à Edmonton, mais pour un joueur de curling, est-ce qu’on a vraiment besoin d’une résidence permanente? Je suis chez moi peut-être un, deux jours par semaine. Louer un camion U-Haul et y habiter, ce n’est pas trop farfelu comme notion. JC: Ce serait génial. Tu peux faire ta tournée du circuit de curling en ça. BB: Absolument. Je me procure un tapis de gazon et une table de pique-nique, et c’est la fête tous les soirs! Il faut quand-même trouver un climat un peu plus doux pour les compétitions de curling pour que ça marche. JC: (rire) Ouais, le gazon artificiel à Morris au mois de novembre, ça va tomber à plat j’imagine. Je n’arrive pas à délaisser cette notion que tu es le joueur le plus accompli au monde qui partage la maison avec ses parents. Tu es meilleur que tous les autres joueurs juniors et ton équipe est dans les 15 premières au classement, donc…qui d’autre pourrait mériter ce titre? BB: Tu as probablement raison. À vrai dire, je n’ai jamais été le meilleur au monde dans n’importe quelle activité, donc c’est peut-être une distinction que je devrais accueillir à bras ouverts. (rire) Peut-être devrais-je rester à la maison et m’accrocher à ce titre de Meilleur joueur de curling au monde qui habite encore chez ses parents. Je connais au moins une femme qui serait très fâchée si elle m’entendait me vanter comme ça. (rire) 7. Bon, mon petit doigt m’a dit quelque chose qui semble tellement excentrique que je n’en arrive même pas à croire. Est-ce vrai tous les fruits te dégoûtent, sans aucune exception? Est-ce même possible? BB: Bon, ce n’est pas une rumeur, c’est la vérité totale. Tous les fruits m’écoeurent. Pour ce qui est du pourquoi et comment, je ne sais pas. Au dire de mes parents, même quand j’étais tout petit, je refusais d’avaler les fruits. Je pense qu’ils insistaient que j’en mange lorsque j’étais jeune, mais quand j’ai grandi, j’ai fait le choix de m’en passer. JC: Mais comment ça se fait que tu trouves tous les fruits rébarbatifs? C’est fou, ça. BB: Ça me déplaît, somme toute. Je n’aime pas la texture, le goût, l’arôme…il n’y a rien là qui m’attire. Je suppose que j’ai une prédilection pour les mets salés/acidulés, et non pas sucrés. Cela n’a jamais posé de problème. J’aime beaucoup de mets qui sont bons pour la santé. J’aime tous les légumes; on ne pourrait pas m’accuser d’avoir un régime alimentaire malsain. Mais les fruits me répugnent. JC: Y a-t-il un fruit que tu considères acceptable à manger? Même s’il faut le mélanger avec autre chose? BB: On essaie de me jouer des tours tout le temps, en mettant des morceaux de fruit dans ce que je mange, mais j’ai un talent remarquable pour le repérer. C’est peut-être mon talent le plus impressionnant de tous. (rire) Le seul fruit que je mangerais, et très rarement, c’est une pomme Granny Smith tartinée de beurre d’arachide. Ça c’est tolérable. Je n’ai pas vraiment envie de la manger, mais parfois si c’est là comme collation santé, je me plie. JC: On me dit que tu n’aimes même pas les fruits qu’on appelle habituellement légumes. BB: Trop vrai. Les concombres, les tomates, des choses comme ça. Mais pour ce qui est des tomates, j’ai plus ou moins surmonté l’aversion. Jamais de tomate toute seule, mais dans les sauces, ça va. C’est supportable. Et c’est drôle, puisque autrement je mange quasiment n’importe quoi, J’ai beaucoup voyagé et j’ai mangé des repas vraiment bizarres, mais cette phobie de fruit, c’est mon cauchemar personnel. 8. Tu peux m’expliquer ton surnom, « Bottcher Express »? BB: Si quelqu’un veut m’éclaircir sur ce point, j’apprécierais beaucoup, puisque je suis complètement dans le noir quant aux origines de ce fameux sobriquet. JC: Mais comment se fait-il que tu aies un surnom dont tu ignores les origines? BB: Bon, si tu visites ma page sur Wikipedia, tu liras que mon surnom est «The Bottcher Express», mais je te jure que personne ne me l’a jamais appelé ainsi en face. Un beau jour, je me suis réveillé et j’avais une page sur Wikipedia. Aucune idée qui l’a créée, d’où est venu le surnom, ni pourquoi on a inclus ça dans la page. Encore plus drôle, on m’a créé cette fameuse page bien avant que j’ai rien accompli d’important dans le curling. C’était au milieu de ma carrière junior et je n’avais même pas encore concouru au championnat national. Donc qui sait? C’est un mystère.

«The Bottcher Express» : Quelles sont les origines de cette entrée mystérieuse dans Wikipedia?

JC: La même chose s’est passée au deuxième sur mon équipe, Jay Wakefield. Il a une page sur Wikipedia, il ne sait pas pourquoi; il a disputé seulement un championnat national. Peut-être est-ce la même personne qui a un penchant pour les joueurs juniors qui ont connu un succès mineur. (rire) Est-ce qu’on te dit ça, même juste pour rire? BB: (rire) Bon, t’as peut-être raison. Pour ce qui est de ce truc Express, personne ne le dit jamais dans un contexte sérieux, mais mes amis se rigolent de ça, puisque c’est vraiment ridicule. Et tu sais ce qui est bizarre : j’entends surtout cette question aux entretiens d’embauche. J’ai une section de mon CV où je parle du curling, donc je suppose que la personne qui effectue l’entretien s’informe sur ma carrière et trouve ce surnom. Donc on me pose cette question puis je raconte cette même histoire ennuyeuse que je viens de te raconter, pour expliquer que c’est un surnom qui n’a aucun sens. (rire) JC: Hé mec, j’ai eu des moments dans les entretiens que je faisais, où on est allé au bout de l’affaire, on a trouvé une réponse à la question. Donc si vous écoutez cette entrevue et c’est vous qui avez écrit ça sur Wikipedia, ou si vous avez des infos sur la genèse de ce surnom de Brendan, répondez-nous! Même sur Twitter! Nous avons très envie de percer le mystère. Et maintenant, Brendan, peux-tu me donner une question à poser à mon prochain invité? BB: J’ai lu tes entretiens passés, et je veux attendre pour savoir qui exactement tu vas avoir comme invité. Je veux formuler une question vraiment audacieuse. JC: Parfait! C’est d’ailleurs la sorte de question que je préfère. Merci, Brendan, et bonne chance aux Essais Roar of the Rings! Suivez John sur Twitter @cullenthecurler et suivez Brendan @TeamBottcher.

Équipe Bottcher arbore ses écussons des Essais canadiens de curling Tim Hortons Roar of the Rings dans la foulée de sa victoire à la finale Série B des Pré-Essais canadiens Home Hardware Road to the Roar, à Summerside, Î.-P.-É. De gauche à droite : capitaine Brendan Bottcher, troisième Darren Moulding, deuxième Brad Thiessen, premier Karrick Martin (Curling Canada/Michael Burns photo)