La famille Daly : Une histoire de trois cœurs
Joyeux, énergique et actif : voici les qualificatifs qui venaient à l’esprit à regarder Colton Daly, d’Ottawa, à l’âge de huit ans. Avec ses deux sœurs, Camille et Calissa, Colton se plaisait à pratiquer toutes sortes d’activités physiques. Du hockey jusqu’aux triathlons, tous les trois enfants étaient toujours sur le terrain de jeu – du moins jusqu’à un diagnostic qui a tout bousculé. Après avoir éprouvé des douleurs à la poitrine et des difficultés respiratoires dans une visite à l’épicerie, suivi par un épisode similaire chez lui, avec la gardienne, Colton a été emmené d’urgence à l’hôpital.
Il s’ensuivait maints tests, puis un trajet à l’Hospital for Sick Children à Toronto pour encore plus de tests : enfin, on a diagnostiqué une dysplasie ventriculaire droite arythmogénique (ARVD), déficience cardiaque qui peut provoquer une morte soudaine chez les jeunes. À l’époque, Colton était la plus jeune personne au monde à recevoir ce diagnostic. La famille Daly a vite appris qu’ARVD avait un facteur génétique, et en conséquences, toutes les deux sœurs de Colton ont également subi des tests – en premier, seulement l’aînée, Camille, semblait être atteinte, mais quelques années plus tard, Calissa a également commencé à présenter des symptômes de la maladie.
Évidemment, ce diagnostic a complètement bouleversé la vie de la famille Daly. Le hockey, les triathlons, bref toutes les activités avec un élément d’effort physique, ont dû être mises de côté – les cœurs des jeunes ne pouvaient pas supporter le stress.
Kim, leur maman, a remarqué que son fils, huit ans, autrefois si extraverti, était devenu de plus en plus renfermé, et elle se faisait des soucis que la perte de son style de vie actif lui procure une dépression. Elle s’est entretenue avec le cardiologue de Colton, lui demandant s’il y avait des activités auxquelles Colton pouvait participer sans risque, mais il y avait très peu de possibilités à cet égard, du moins jusqu’à ce qu’on suggère le curling.
«Nous ne savions guère rien sur ce sport, à vrai dire. Nous essayions de l’expliquer au cardiologue en lui disant que c’est comme le jeu de palets, mais sur glace, et il a répondu que oui, ça pourrait aller. Donc nous n’avons pas hésité; ça valait la peine d’essayer!» dit-elle.
Une semaine plus tard, Colton a fait ses premiers pas sur la piste de curling – et on connaît maintenant le reste de l’histoire.
Colton a de beaux souvenirs de cette première journée : «La première fois où je suis montée sur la piste de curling, c’était un tournoi familial de l’Action de grâces, où les parents étaient invités à emmener les enfants et les laisser s’amuser sur la glace, sans trop accomplir, sans objectif spécial. À vrai dire, aux quelques premières séances, le curling était rébarbatif, puisque j’étais le pire de tous les enfants sur la glace, sur le plan des habiletés. Je ne comprenais pas la stratégie et les règles du sport, et je me désolais puisque j’étais tellement nul et ce, après m’être surpassé au hockey et au soccer. Mais après que mes parents m’avaient entraîné, contre mon gré, à quelques événements et séances pratiques, je me suis épris du sport, et je tenais vraiment à m’améliorer.»
Même le curling présente cependant des défis pour Colton, Camille et Calissa. Le balayage est un peu trop énergique comme activité pour des jeunes avec cette maladie cardiaque, donc presque dès le début de leur carrière de curling, Colton et Camille se sont tournés vers le poste de capitaine, qui n’exige pas de balayage. Et la communauté de curling a fait preuve de respect et de soutien envers les Daly et leur situation spéciale. Le club de curling RCMP, où la famille Daly pratique son sport, s’est assuré d’installer un défibrillateur au cas où on en aurait besoin, et grâce à l’activisme de Kevin et Kim Daly, de plus en plus de clubs de curling dans la vallée de l’Outaouais ont suivi cet exemple.
Calissa a expliqué que son expérience avec les équipes de curling au fil des années a été incroyablement positive.
«Quand on divulgue la maladie à qui que ce soit, la réaction est toujours bouche bée,» remarque-t-elle. «Nous essayons de ne pas en faire toute une histoire, mais à chaque fois où je me joins à une équipe, il faut aviser tout le monde. Et on a toujours réagi avec plein de sensibilité et de considération. Les entraîneurs et les officiels prennent toujours le temps de me demander si ça va bien.»
«J’ai même eu des coéquipières qui ont visité le club pour vérifier l’emplacement du défibrillateur, pour me faire savoir,» remarque l’aînée, Camille.
On pourrait dire sans risque de se tromper que le curling est une facette importante de la vie de la famille Daly.
«La communauté de curling m’a aidé de nombreuses façons au fil des années, mais je crois que la plus importante, c’est que tout le monde m’accueille comme un vrai membre de la famille, et on m’accepte comme tous les autres; je ne suis nullement différent de tous les autres joueurs sur la glace,» déclare Colton. «Ma pire crainte, c’est qu’on ait pitié de moi, surtout mes adversaires; je ne veux aucunement être perçu comme défavorisé à cause de cette maladie.»
Pour Camille, comme beaucoup des meilleures joueuses au monde, la glace est une espèce de sanctuaire.
«Le curling, ça me définit. Souvent les jeunes essaient le curling puis le délaissent à la faveur d’un autre sport, comme le volleyball ou quelque chose comme ça, mais pour moi ce serait absolument impossible. Pour moi, le curling est tout,» déclare-t-elle. «C’est ce que je fais, et ce que je vais toujours faire. Mon temps sur la glace, c’est très spécial puisque, à vrai dire, on ne sait jamais quand – ou si – je vais y revenir. La vie serait toute différente sans le curling – et je n’ai aucunement envie de faire cette expérience.»
Sa sœur Calissa fait écho : «Je savais que j’allais déménager pour l’école, et priorité numéro une était de trouver une équipe de curling dans les parages – c’était très important pour moi.»
On a tendance à dire que rien n’arrive par hasard, et la famille Daly se dit très reconnaissante d’avoir découvert le curling quand la joie faisait vraiment défaut dans leur vie.
Avec beaucoup d’émoi, Kim a tenté d’expliquer l’effet que le sport a eu sur ses enfants, particulièrement son fils.
«Je me réjouissais de le voir trouver une activité qui lui procure tant de plaisir,» dit-elle. «Cela a changé complètement la trajectoire de sa vie. Quand on l’a diagnostiqué initialement, il n’y avait pas de promesses qu’il fêterait ses 18 ans, donc avec cette perspective, nous tenions à ce qu’il fasse tout ce qu’il voulait faire. Quand on trouve une activité à laquelle on peut s’adonner pour toute la vie, c’est vraiment incroyable. Nous sommes tellement reconnaissants qu’il ait trouvé ce sport. Nous nous savons chanceux de l’avoir découvert, nous tous.»
Colton, qui a maintenant 22 ans, fait ses études à l’Université Carleton, alors que Camille termine sa première année à l’Université Laurentienne, et Calissa termine justement ses études du secondaire. Tous les trois seront de retour sur la piste de curling cet automne, avec Maman et Papa dans leur entourage, leurs plus grands supporteurs.
(reportage de Cathlia Ward)