Rêver grand, sur la glace et ailleurs
(Reportage de Cathlia Ward)
Elle n’a que 18 ans, mais Mary Fay s’est déjà affirmée comme étoile de curling, au Canada et à l’échelle mondiale aussi. Effectivement, la native de Chester, Nouvelle-Écosse, a mis la main sur une médaille d’or aux Jeux Olympiques de la Jeunesse 2016, le championnat canadien junior 2016 et le titre de championne du monde junior 2016, le tout au cours d’une période d’un mois et demi. Des semaines de fou pour une étudiante de 12ème année du secondaire, non?
«(Le curling) m’a procuré tant de plaisir au fil des 10 dernières années, et je ne changerais rien,» affirme Fay au sortir d’une saison de curling qui a dépassé ses rêves les plus fous. «Le curling m’a tant donné qu’il me serait impossible de redonner de manière adéquate. C’est un sport tellement spécial, et je pense la plupart des gens en ignorent la vraie valeur. Cela a été une expérience fabuleuse.»
Et pourtant, même si le curling a occupé une place privilégiée dans sa vie depuis l’âge de huit ans, Fay entretient d’autres grands rêves et ambitions, sur la glace et ailleurs, et elle a décidé de poursuivre des opportunités en dehors de la piste de curling cet automne.
«Initialement, je comptais aller à Dal (l’université Dalhousie, à Halifax) et demeurer près de chez moi, puis j’ai découvert qu’on me proposait une bourse importante à Queen’s, donc je me suis ravisée,» explique-t-elle. «Plus j’y pensais, plus je croyais que Queen’s me convenait. Après beaucoup de réflexion, j’ai pris cette décision il y a seulement quelques semaines, un peu à la dernière minute à vrai dire.»
Fay va donc déménager à Kingston, Ont., au mois de septembre pour se lancer dans un programme de sciences générales, sous l’espoir d’accéder au programme des sciences de la vie puisque, de son point de vue en tant que jeune femme qui cherche l’excellence dans tout ce qu’elle fait, une carrière en médecine est l’objectif ultime.
Cette quête constante de l’excellence veut dire que, pour l’instant, le curling doit jouer un rôle de second plan.
«Ça va être bizarre, puisque j’y ai joué pendant si longtemps,» admet-elle. «Au cours de l’année, je ne pensais pas beaucoup à l’an prochain parce que j’étais tellement occupée. Mais quand je suis rentrée du Mondial, je me suis rendu compte de combien j’avais manqué à l’école pendant mon absence, et c’est alors que j’ai réalisé que mon niveau d’engagement était différent de celui de mes coéquipières, et je pensais qu’elles méritaient une coéquipière qui saurait se donner cœur et âme au curling. Cette année je me suis rendu compte qu’il faut énormément d’effort, d’engagement et de sérieux pour atteindre ce niveau, et je pense que mon équipe a besoin de cette énergie totale pour viser ses objectifs…et je ne suis plus en mesure de m’engager à ce niveau-là.»
Fay ne laisse pas de s’émerveiller du succès qu’elle a connu, et elle est forte consciente qu’elle ne serait pas la personne qu’elle est aujourd’hui si elle n’avait jamais mis pied sur glace. Elle dit que son succès se doit au superbe entraînement qu’elle a reçu, et aux liens d’amitié très forts qu’elle a établis avec les membres de son équipe.
«Andrew (Atherton) m’a entraînée dès le tout début, quand j’avais huit ans, donc ça fait 10 ans qu’il est dans mon coin,» dit-elle. «Il a passé beaucoup de temps avec moi au fil des années et il m’a tellement appris. On ne saurait en arriver à un tel niveau sans l’engagement d’un entraîneur sérieux et doué. Il avait toujours de grandes attentes, et il nous poussait à trouver le meilleur de nous-mêmes, et je pense que c’est la raison pourquoi nous avons su apprendre et atteindre le niveau que nous avons trouvé.»
Certes, il sera difficile de prendre du recul et dire au revoir à la compétition, mais il va sans dire que personne ne sera plus grand partisan de la nouvelle Équipe Clarke que l’ancienne capitaine, Mary Fay.
«Je vais certainement les suivre et les encourager de tout mon cœur. Elles sont des filles très spéciales, très chères.»
Fay dit que, dans beaucoup de sens, c’est l’amitié avec ses coéquipières, au-delà de la piste de curling, qui lui manquera le plus.
«Karlee (Burgess) et moi avons partagé tant d’expériences; ça va être bizarre de ne pas passer toutes les fins de semaine ensemble. Elle a un grand sens de l’humeur, et on s’amuse tellement ensemble,» dit Fay à propos de son ancienne deuxième. «Janique (LeBlanc, la première) est probablement la plus placide, la plus enjouée de notre groupe, et elle porte toujours un sourire, quelle que soit la situation. On pouvait toujours compter sur elle. Kristen (Clarke, la troisième sur Équipe Fay) a apporté tant de talent à notre équipe, et elle a plein de potentiel comme capitaine. Elle est super intelligente, quand elle joue et dans les autres aspects de sa vie, et elle comprend tellement bien le sport. Elle avait toujours des réactions très éclairées. Avec elle à mes côtés dans la maison, je me sentais confiante, puisqu’elle voyait si clair, donc il était d’autant plus facile de nous fier au choix de coup après avoir donné les directions.»
Donc pour le moment du moins, Fay se retire du curling de compétition, tout en sachant que la communauté lui réservera un chaleureux accueil si jamais elle décide de s’y relancer.
«L’une des raisons pourquoi je tiens à pratiquer la médecine, c’est le curling,» dit-elle. «Du fait de concourir et de croiser tant d’étrangers, j’ai beaucoup appris. J’ai appris à obtenir des résultats face à une pression considérable, et cela a vraiment été énorme, puisque maintenant je me sais capable. Je peux me souvenir du dernier lancer du championnat canadien junior, celui qui nous a gagné le titre, en sachant que j’ai été à la hauteur. En plus, la gestion du temps a été un facteur vraiment important tout au long de ces douze derniers mois. Difficile d’imaginer une année plus folle, plus chargée que celle-ci. Donc je peux maintenant user de toutes ces expériences, de toutes ces leçons apprises.»
Aux jeunes joueurs et joueuses de curling et autres athlètes qui cherchent à pousser les limites de la perfection dans leur discipline de prédilection, Fay offre un conseil très simple : tout est possible, moyennant beaucoup de travail sérieux.
«Il faut faire ce qu’on croit être le mieux, faire confiance à son intuition, et une fois la décision prise, il faut vraiment bosser,» affirme la championne canadienne, mondiale et des Jeux Olympiques de la jeunesse 2016. «Si vous investissez l’effort, vous êtes capable d’achever n’importe quel but. Usez de toutes les occasions qui surviennent, puisque si vous vous passez d’une opportunité que vous croyez trop dure, vous allez rater cette expérience totalement. Vivez dans le moment présent, savourez tous les aspects de l’expérience, puisque c’est la fondation de vos souvenirs. C’est comme ça que j’ai cueilli mes propres souvenirs.»