La voie vers l’inclusion
Les centres de curling canadiens comprennent qu’il y a beaucoup de travail à faire
Il est facile pour un club de curling de dire qu’il veut être plus inclusif. Le défi, a déclaré Debra Martin, ambassadrice du mouvement United We Curl qui met les curleurs, les clubs et les organisations au défi d’être plus inclusifs et accueillants envers les personnes de toutes les cultures, identités de genre, capacités et origines, est de transformer ces mots en gestes concrets.
« Si vous décidez que vous voulez être un espace accueillant pour de nombreuses bonnes raisons, vous devez vous assurer que la culture des gens est prête », a déclaré Martin lors d’une table ronde du symposium Changer la face du curling qui a lieu cette semaine à Niagara Falls, en Ontario. « Ce n’est pas le travail sexy; ce n’est pas le travail facile à mesurer. Ce n’est pas facile de dire, hé, conseil d’administration, êtes-vous prêts à faire en sorte que tout le monde suive une formation sur les préjugés inconscients au sein de votre club? Voulez-vous d’un sport sécuritaire, voulez-vous avoir un module d’éducation que les gens peuvent parcourir? Mettez-vous en place différents types de signalisation (au sein du club)? Mettez-vous autant l’accent sur vos initiatives d’inclusion que sur le nombre de membres? »
C’est le genre de questions qui sont posées cette semaine à Niagara Falls, et il n’a pas toujours été facile de les entendre.
Mais ce n’est pas le but du symposium; le but est de faire comprendre aux centres de curling canadiens – traditionnellement considérés comme des endroits accueillants et confortables pour leurs membres – que les apparences peuvent être trompeuses au sein de ces centres de curling – en particulier si vous êtes membre d’une minorité visible.
Des photos d’anciens présidents du club (tous blancs) accrochées dans les couloirs; des drapeaux provinciaux arborant l’Union Jack; même la musique de la cornemuse… chacun de ceux-ci peut être un élément déclencheur et donner aux personnes de couleur l’impression qu’elles ne sont pas dans un espace sécuritaire.
« Le problème n’est pas (la musique de) la cornemuse. Le problème est la symbolique et ce que cela signifie réellement, et savoir si cela crée ou non des tensions, n’est-ce pas? » a déclaré le Dr Richard Norman, chercheur et conférencier dont la thèse de doctorat de 2020 intitulée Domination troublante dans le sport : déconstruire la ou les cultures du curling par le biais d’une enquête narrative est considérée comme l’instigatrice de nombreuses conversations qui ont lieu à Niagara Falls. « Il ne s’agit pas de l’acte ou du symbole lui-même; c’est tout ce qui l’entoure, et nous devons commencer à nous questionner à ce sujet et voir si cela crée réellement un problème. Vous devez comprendre comment (ces symboles) pourraient exclure les gens des espaces dans lesquels vous menez vos activités. Lorsque vous entrez dans un club de curling, et j’en ai visité plusieurs, tout ce que vous voyez, ce sont des rangées et des rangées (de photos) de visages blancs. C’était ma première impression, donc tout ce que je dis, c’est de remettre en question ces choses. Peut-être que ces visages ont changé. Lorsque vous faites entrer des personnes de couleur dans votre club, accrochez quelques-uns de ces visages aux murs. »
Cela va au-delà des photos et des drapeaux, bien sûr. Un incontournable de chaque centre de curling canadien est son service de restauration. Mais que se passe-t-il si votre culture, votre religion impose des restrictions concernant ce que vous mangez ou buvez?
« Cela peut sembler être banal pour certaines personnes, mais cela devient une important quand vous allez à des tournois », a déclaré Sabena Islam, une curleuse et entraîneure de Kingston, en Ontario, qui s’identifie comme une Canadienne musulmane d’origine pakistanaise et est également ambassadrice de United We Curl. « Bravo au club de curling de Trenton (Ontario) parce que c’est le meilleur accueil que j’aie jamais ressenti en raison de la façon dont ils ont géré mes restrictions alimentaires. Je suis allée dans d’autres clubs de curling où cela a été un fardeau pour eux, et ils vous font prendre conscience que c’est un fardeau, et que cela ne devrait pas être un gros problème.
« Combien d’entre vous ont assisté à un mariage indien ou pakistanais? Pas la majorité, et je ne suis pas surprise. Mais pour ceux qui ne l’ont jamais fait, quand vous entrez là-bas et que vous ne comprenez vraiment rien de ce qui se passe, et que vous essayez de vous intégrer pour ne pas foirer? C’est ce que ressentent beaucoup de gens dans un club de curling. »
Et, oui, les gestionnaires et présidents de club se sont fait dire sans ambages cette semaine qu’il il y a du racisme dans le curling qui va au-delà de l’environnement du centre de curling.
« Je ne peux pas vous dire le nombre de fois où on a utilisé le mot en N à mon endroit dans un club de curling », a déclaré Andrew Paris de Truro, en Nouvelle-Écosse, lui aussi ambassadeur de United We Curl et curleur et entraîneur de longue date. « Ou quelqu’un n’a pas voulu me serrer la main et m’a dit carrément que c’était parce que je suis noir. Ou m’a dit que je suis un très bon joueur de curling pour une personne noire.
« Nous voulons nous sentir chez nous dans un club de curling et nous devons mettre l’accent sur la façon dont nous pouvons avoir une installation plus diversifiée et devenir une installation plus inclusive. La diversité et l’inclusion ne sont pas la même chose. Si vous vous concentrez sur la diversité, ce que vous venez de faire, c’est de trahir vos intentions. Ce que vous m’avez dit, c’est que vous cherchiez à cocher une case. Ce sur quoi je veux que vous vous concentriez, c’est l’inclusion. Au final, nous voulons juste sentir que nous faisons partie du groupe. Ce n’est pas une chose si dure ou si difficile. C’est inconfortable pour certains d’entre vous, pour la plupart d’entre nous. Mais ce n’est pas difficile. C’est le besoin de briser cet inconfort. »
Être un centre de curling plus accueillant, diversifié et inclusif signifie plus qu’ajuster les attitudes et lutter contre les préjugés. Cela signifie également prendre en compte ceux qui ont des capacités différentes. Imaginez que vous êtes en fauteuil roulant et que vous voulez essayer le curling, que vous arrivez à un centre de curling local et que vous ne trouvez pas de rampe pour fauteuils roulants, juste un escalier.
« Ce trottoir ou ces deux marches pourraient aussi bien être le mont Everest si vous êtes en fauteuil roulant et être la raison pour laquelle un joueur de curling potentiel ne participera pas », a déclaré Mark Ideson, triple médaillé paralympique canadien en curling en fauteuil roulant. « J’espère que nous continuerons à avoir des conversations sur la façon de partager ce sport avec des personnes en fauteuil roulant. Je n’ai pas toutes les réponses. (Mais) Soyez un allié. Soyez un supporteur. Posez des questions à vos clubs ou aux membres du conseil d’administration sur les mesures prises pour rendre votre club accessible. Parlez à une personne handicapée; ces personnes savent une chose ou deux sur les questions liées aux déplacements.
« C’est pouvoir se présenter dans un immeuble en fauteuil roulant et ne pas se sentir différent. Pouvoir accéder à toutes les commodités de l’immeuble, pouvoir participer à des événements indépendamment de votre couleur ou de votre niveau d’aptitude. Avoir du braille sur les panneaux, avoir des options alimentaires appropriées sur le menu, faire en sorte que tout le monde puisse venir dans un espace et se sentir à l’aise. »
L’un des sous-entendus dans les conversations qui se déroulent à Niagara Falls tourne non seulement autour de l’accueil d’une partie plus diversifiée de la population, et du recrutement de nouveaux arrivants au Canada et des communautés PANDC, mais aussi sur la façon de les retenir comme curleurs payants, alors que les centres de curling canadiens poursuivent leur mission de remplir leurs ligues.
Mais l’analyse de rentabilisation n’est pas – et ne devrait pas être – la principale motivation pour changer la face du curling.
« Si les dirigeants du curling au niveau des clubs et des organisations considèrent les nouveaux arrivants (au Canada) et les communautés PANDC principalement comme des sauveurs économiques pour le sport, des problèmes suivront à coup sûr », a déclaré Simon Barrick, professeur adjoint à l’Université du Cap-Breton à Sydney, en Nouvelle-Écosse, qui termine son doctorat à la Faculté de kinésiologie de l’Université de Calgary, se concentrant sur l’intégration des nouveaux arrivants par l’initiation aux sports d’hiver.
« Cela inclut la création d’environnements dans lesquels les nouveaux arrivants sont considérés comme des membres de seconde classe, augmentant ainsi la probabilité que le racisme ou des environnements généralement peu accueillants se développent. Si les nouveaux arrivants ne se sentent pas les bienvenus et appréciés dans votre club, les chances qu’ils restent impliqués dans votre club au-delà de leurs premières expériences sont au mieux minimes. »
En fin de compte, a suggéré Roselle Gonsalves, membre du Conseil des gouverneurs de Curling Canada, qui est responsable de la diversité, de l’inclusion et de l’appartenance chez ATB Financial, il faut créer un sentiment de bienvenue.
« J’aurais aimé que nous appelions la conférence Changer l’espace du curling », a déclaré Gonsalves. « Il n’y a rien de mal avec aucune des faces du sport – passée, présente ou future. Au lieu de cela, ce que nous devons faire, c’est peut-être créer une culture dans laquelle les gens sont les bienvenus, peu importe à quoi ils ressemblent. »
Ce ne sera pas toujours facile, dit Islam. Il reste encore un long chemin à parcourir.
« Je suis heureuse que tout le monde soit ici et c’est une première étape », a-t-elle déclaré. « Mais vous devez faire des efforts au-delà de cela pour développer votre compétence culturelle, pour développer votre base de connaissances, afin que vous vous sentiez à l’aise d’avoir des conversations dans votre installation de curling, afin que vous puissiez faire de la sensibilisation auprès des communautés. Vous devez faire une partie de ce travail et vous devez reconnaître quand vous faites une erreur et vous devez vous excuser, et vous devez faire mieux. »
« Changez le système », a défié le chef du Conseil tribal de Saskatoon, Mark Arcand. « Le statu quo n’est plus acceptable. C’est du travail, mais il faut s’améliorer. Et si nous ne nous améliorons pas, nous acceptons le statu quo. Nous devons passer au niveau supérieur, et je pense que nous devons le faire rapidement. »
Bien que ces deux jours d’écoute aient été difficiles, il semble que les messages soient entendus.
« Cela vous oblige vraiment à vous regarder dans le miroir », a déclaré Kirk Mearns, directeur général du Centre de curling de Lethbridge, en Alberta. « Cela nous fait vraiment réévaluer la façon dont nous tentons de rejoindre notre communauté, comment nous parlons aux gens de notre communauté, comment nous prenons des décisions concernant l’adhésion. Même les choses que nous accrochons aux murs, ou à quoi ressemble votre menu dans votre concession. Toutes ces choses, nous devons vraiment les examiner.
« Ce symposium est une grande révélation. Vous vous êtes toujours posé des questions à ce sujet, mais le fait de l’entendre directement, vous vous dites, OK, nous devons réévaluer. J’en suis déjà à ma troisième page de notes sur les choses dont nous devons parler en tant que club à mon retour. »
« C’était gratifiant de voir autant de nos centres de curling représentés ici cette semaine, car ce sont des informations importantes pour eux », a ajouté Katherine Henderson, chef de la direction de Curling Canada. « Le problème est que de nombreux clubs qui ont vraiment besoin d’entendre cela et d’être confrontés à ces informations ne se présentent pas et cela doit changer à mesure que nous progressons sur la voie de la transformation de notre sport. »
Les panels et les discussions de l’événement sont enregistrés et seront diffusés plus tard cette année sur la chaîne YouTube de Curling Canada.