Par Jolene Latimer
Leslie Anne Walsh a entraîné des jeunes, des curleurs en fauteuil roulant et des débutants de tous âges. Mais le groupe qu’elle rencontre chaque dimanche est peut-être le plus surprenant : 40 femmes, dont la plupart n’avaient jamais touché une pierre de curling jusqu’à récemment.
Le programme, intitulé « Women on the Rock », est à la fois une clinique de développement des compétences et une expérience sociale. Lancé en 2022 à St. John’s, à Terre-Neuve-et-Labrador, ce projet crée un espace réservé aux femmes qui permet aux débutantes d’apprendre le curling de A à Z, à leur propre rythme et sans jugement. L’approche de Walsh est axée sur le développement technique, mais son impact va plus loin : elle renforce la confiance, tisse des liens et offre une toute nouvelle perspective sur un sport qui repose depuis longtemps sur les liens intergénérationnels.

Walsh a lancé « Women on the Rock » en 2022 après avoir constaté un manque. Elle dirigeait un programme jeunesse appelé Briser la glace et voyait souvent des mères assises dans le hall pendant que leurs enfants jouaient au curling. Elle s’est alors demandée : et si ces femmes allaient elles aussi sur la glace?
Ce premier essai – une soirée sous le thème d’un vin et fromage – a attiré plus de 30 participantes. Aujourd’hui, Walsh organise deux séances de huit semaines par saison, avec jusqu’à 44 femmes et une équipe d’une quinzaine de bénévoles sur la glace chaque dimanche au club de curling de St. John’s au Centre RE/MAX. L’âge des femmes varie de 20 à 70 ans. La plupart n’avaient jamais joué au curling auparavant.
Ce n’est pas une ligue. Il n’y a pas de matchs officiels, pas de classement. Walsh met en place des postes de développement des compétences – exercices avec des cordes, radars mobiles, progressions techniques – et assure une rotation parmi les participantes, adaptant les instructions à leur niveau de confort. Certaines commencent avec des stabilisateurs, d’autres avec des tiges. L’objectif n’est pas la compétition, mais la progression.
« Tout le monde se soutient », a déclaré Walsh. « Si quelqu’un glisse un peu plus loin, on l’encourage. Si une participante est nerveuse, on l’accompagne. Il n’y a pas de jugement. »
Les séances de Walsh ne ressemblent en rien à une clinique de curling classique. Il n’y a pas de cours intensifs ni de parties rapides. L’accent est plutôt mis sur le développement de la confiance grâce à un enseignement technique progressif et cohérent, commençant souvent avec un stabilisateur ou une tige, et ne passant au balai que lorsque la joueuse est prête.
Le rythme de cette progression est intentionnel. « Beaucoup de personnes rejoignent des ligues sans jamais avoir acquis les bases techniques », explique Walsh. « Elles sont simplement lancées dans la mêlée. Ce programme est différent : nous restons à la base, et elles s’améliorent. »
Pour favoriser le confort et réduire les risques de blessures, Walsh encourage également le port d’un casque et réutilise des chaussures de curling données pour permettre aux débutantes d’abandonner les semelles glissantes de base le plus rapidement possible. L’objectif est la progression, mais seulement lorsque cela semble approprié. Une participante a passé trois semaines à marcher simplement sur la glace, tenant le bras de Walsh. Elle pratique maintenant régulièrement le curling avec tige.
Il n’y a aucune pression pour progresser, mais celles qui le souhaitent peuvent le faire. Certaines des premières participantes de Walsh jouent maintenant dans des ligues de club. D’autres reviennent comme bénévoles. La conception du programme privilégie intentionnellement le développement des compétences, mais aussi le leadership.
« Nous leur disons : si nous atteignons le plafond, vous pouvez rester, mais vous contribuerez à l’enseignement », a déclaré Walsh.
Walsh a commencé le curling de compétition dans les années 1990 et a entraîné des équipes juniors, des curleurs en fauteuil roulant et des équipes masculines partout à Terre-Neuve-et-Labrador. Elle a perdu trois finales provinciales, toutes contre Cathy Cunningham, mais avec le temps, elle s’est sentie davantage attirée par l’entraînement que par la compétition.
« Si j’avais pu retourner en arrière, j’aurais probablement été enseignante », a-t-elle déclaré. « Mais c’est de cette façon que je peux le faire. »
À 63 ans, Walsh est encore sur la glace presque tous les jours. Sa priorité est désormais de rendre ce sport plus accessible, notamment aux personnes qui n’ont jamais eu de point d’entrée clair, et d’aider d’autres femmes à se donner du temps pour elles.

« Je n’arrête pas de leur dire : vos enfants survivront, vos familles survivront. Prenez cette heure et demie », a-t-elle déclaré. « Plus vous êtes égoïste, dans le bon sens du terme, plus vous serez un bon être humain. »
Il en résulte un espace rare dans le sport : un espace où les débutantes se sentent en sécurité face à l’échec, où les femmes s’encouragent mutuellement et où personne ne se sent en retard. « Elles sortent de la glace, elles rient, elles s’assoient pour boire une bière. C’est un sentiment exceptionnel », a-t-elle déclaré.
L’impact de « Women on the Rock » est particulièrement évident dans les témoignages recueillis par Walsh chaque semaine : la femme qui avait autrefois trop peur de mettre les pieds sur la glace et qui participe désormais à des matchs de curling avec tige le samedi soir; les trois filles qui ont rejoint le programme Briser la glace, suivies quelques mois plus tard par leurs mères qui ont rejoint les séances du dimanche.
« Nous avons des mères qui n’avaient jamais pratiqué de sport de leur vie; maintenant, elles jouent au curling pendant que leurs enfants les entraînent », explique Walsh. « Un groupe a même joué un match contre leurs maris et a gagné. Maintenant, les maris veulent des cours. »
Le programme attire des femmes issues de milieux non traditionnels du curling : coureuses, joueuses de hockey, et débutantes. Walsh les rencontre là où elles se trouvent. Si une personne hésite, elle offre une semaine d’essai gratuite. Si une personne est blessée ou nerveuse, elle offre la tige, voire une chaise. « Nous n’avons pas encore eu à l’utiliser », dit-elle, « mais si cela les met à l’aise, nous trouverons une solution.»
Certaines participantes rejoignent ensuite des ligues de club. D’autres non, et c’est parfait. Walsh souhaite surtout donner aux femmes un sentiment d’appartenance à ce sport. « Même si elles déménagent », dit-elle, « elles sauront comment intégrer un club de curling dans une nouvelle ville et s’y faire une place. »
Walsh anticipe déjà l’avenir : soirées stratégiques pour les femmes qui souhaitent approfondir leur jeu; promotion médiatique accrue; davantage de possibilités de mentorat pour les jeunes bénévoles. Elle s’efforce de constituer un bassin autonome, non seulement de joueuses, mais aussi de leaders.
Ses conseils à ceux qui souhaitent reproduire le modèle sont simples : planifiez à l’avance, recrutez suffisamment de bénévoles, restez flexible et ne paniquez pas si le nombre de bénévoles est faible au début. Surtout, n’ayez pas peur d’essayer quelque chose de nouveau, même si cela échoue. « Certaines idées sont brillantes. D’autres sont mauvaises. Il faut essayer quand même », a-t-elle déclaré.
À la base, « Women on the Rock » ne se concentre pas sur les performances. L’objectif est le changement qui se produit lorsqu’une personne met les pieds sur la glace pour la première fois et réalise qu’elle y a sa place.
« Elles sont nerveuses au début », a déclaré Walsh. « Huit semaines plus tard, elles glissent mieux, balayent plus fort, mais surtout, elles sont tout simplement plus elles-mêmes.»
Jolene Latimer est membre du conseil exécutif de Femmes du curling