Restez en sécurité

Susan O’Connor a joué pour le Canada aux Jeux olympiques d’hiver de 2010 et est thérapeute respiratoire à Calgary. (Photo olympique, Curling Canada / Michael Burns)

TRAVAILLER EN PREMIÈRE LIGNE DE LA PANDÉMIE

Par Susan O’Connor

Je suis une mère, une joueuse de curling, une olympienne et une thérapeute respiratoire.

Vous savez tout sur les trois premiers, mais le dernier est peut-être nouveau pour vous (bien que nous recevions définitivement plus d’attention ces dernières semaines).

On m’appelle souvent une infirmière. Je n’en fais habituellement pas de cas parce que c’est plus facile que d’expliquer la différence, et, franchement, je pense que les infirmières sont des personnes exceptionnelles et il y a pire comme comparaison.

Les thérapeutes respiratoires travaillent partout dans le système de soins de santé, des soins néonatals (travaillant avec les nouveau-nés) aux soins palliatifs (essentiellement, en améliorant la qualité de vie et réduisant la souffrance des patients atteints de maladies mortelles); dans les hôpitaux, les cliniques communautaires et les laboratoires de la fonction pulmonaire et du sommeil.

Mais permettez-moi de souligner ce que cela signifie d’être une thérapeute respiratoire dans le contexte de cette pandémie.

Susan O’Connor, troisième de gauche, avec ses coéquipières olympiques de 2010, de gauche, Cori Morris, Carolyn McRorie et Cheryl Bernard. (Photo, Curling Canada / Michael Burns)

Mon bureau est la tête du lit d’hôpital. C’est la zone de danger ces jours-ci. Les patients vont tousser sur nous.

Lorsque vous vous présentez à l’hôpital en toussant et à bout de souffle, nous serons appelés à fournir de l’oxygène et d’autres thérapies afin d’améliorer votre oxygénation et de faciliter votre respiration.

Si votre respiration continue de se détériorer, nous aiderons à votre intubation (poser un tube respiratoire dans votre trachée); dans certaines régions du pays, nous le faisons nous-mêmes.

Nous gérerons vos voies respiratoires et le ventilateur pour vous aider à respirer, aspirerons les sécrétions de vos poumons et fournirons des médicaments par inhalation.

C’est nous qui retirerons le tube – soit parce que vous vous êtes rétabli, soit parce que nous avons perdu la bataille. Habituellement, lorsque vous débranchez le ventilateur en fin de vie, le patient est entouré de sa famille et d’amour. C’est très émouvant d’être impliquée dans un moment aussi intime. Mais je me demande comment ce sera lorsque je devrai le faire pour un patient qui est seul. Pourrai-je m’asseoir avec le patient lors de son dernier souffle ou serai-je appelée ailleurs? Si c’était mon parent, mon frère, ma sœur ou mon conjoint, je voudrais que quelqu’un soit là avec lui ou elle. Et si c’était le vôtre?

C’est le genre de choses qui m’empêchent de dormir la nuit, avec la crainte que nous n’ayons pas assez d’équipement pour traiter le nombre de patients qui se présenteront à mesure que cette pandémie progresse.

Y aura-t-il suffisamment d’EPI (équipement de protection individuelle) pour assurer ma sécurité?

Vais-je être contaminée? Cela me tuera-t-il?

Les statistiques en provenance de l’Europe, et maintenant des États-Unis, à propos des professionnels de la santé infectés sont préoccupantes. Le virus n’affecte pas que les personnes âgées. Les gens de mon âge et des personnes plus jeunes que moi sont gravement malades dans notre pays en ce moment. Vais-je apporter le virus chez moi dans ma famille? Combien de semaines ou de mois faudra-t-il avant que je me sente à l’aise de câliner mon petit garçon?

C’est là que toutes ces années de psychologie du sport sont utiles. Vous devez abandonner la pensée basée sur les résultats et vous concentrer sur ce que vous pouvez contrôler.

Ces jours-ci, je me sens un peu comme si je me préparais pour un grand championnat. C’est le calme avant la tempête. Je veux faire face à la situation en aussi bonne santé que possible, mentalement et physiquement. Cela signifie un repos, une nutrition et une hydratation appropriés.

Au travail, nous nous préparons. Nous pratiquons des simulations de procédures avec le moins de personnes possible afin de limiter le nombre de membres du personnel exposés. Nous évacuons des unités entières afin de créer plus d’espace pour traiter les patients infectés par la COVID-19 dans un environnement de soins intensifs. Nous apprenons comment opérer les ventilateurs nouvellement achetés – tout en faisant face à la charge de travail habituelle.

Donc, je vous en prie, veuillez prendre la situation au sérieux. Restez à la maison quand vous le pouvez. Reposez-vous, démarrez ce projet que vous ne cessez de retarder. Contactez cet ami de qui vous vouliez prendre des nouvelles. La technologie est une bouée de sauvetage de nos jours. Passez du temps de qualité avec votre famille. Blottissez-vous avec vos enfants. Vous ne vous en rendez probablement pas compte, mais s’ennuyer est un luxe.

Restez en sécurité et en bonne santé.

(Susan O’Connor a remporté la médaille d’argent pour le Canada aux Jeux olympiques d’hiver de 2010 à Vancouver en tant que vice-capitaine de Cheryl Bernard; elle en est à sa 20e année comme thérapeute respiratoire à Calgary).

Curling Canada