Par : Femmes du curling
Le curling ne manque pas de femmes talentueuses, mais transformer la participation en leadership exige de la volonté. C’est l’essence même de Femmes du curling. Au cœur de cette initiative se trouve la conviction que le curling peut être un chef de file en matière d’égalité des sexes, en offrant aux femmes non seulement un espace où participer, mais aussi où elles peuvent s’épanouir, diriger et façonner l’avenir du sport. Le curling offre un environnement au sein duquel les femmes ont leur place, et Femmes du curling veille à ce qu’elles le sachent.
Une grande partie de cette vision a été défendue par Elaine Dagg-Jackson, l’une des premières femmes à exercer le métier d’entraîneuse professionnelle de curling au Canada. Forte de plusieurs décennies d’expérience en tant qu’entraîneuse au niveau international et au pays, Elaine dirige le conseil exécutif de Femmes du curling avec un puissant mélange de crédibilité, de compassion et de dynamisme. Du lancement de webinaires au développement d’une communauté par le biais d’événements en personne, elle a joué un rôle déterminant dans la création d’espaces où les femmes se sentent reconnues, soutenues et responsabilisées.
Nous avons rencontré Elaine pour discuter son parcours d’entraîneuse, de l’évolution du curling féminin au Canada et de l’héritage qui sera laissé, espère-t-elle, à la prochaine génération. Ses réponses nous rappellent l’importance de ce travail et tout son potentiel.
Q : En réfléchissant à votre parcours, comment vos premières expériences dans le curling ont-elles façonné votre approche de l’entraînement et du leadership au sein de ce sport?
Dagg-Jackson : Ma première inspiration m’est venue quand j’étais petite et que mon père était un champion. Je le suivais partout et je l’observais, et il me disait toujours qu’en se fixant des objectifs et en travaillant très, très dur, on pouvait réaliser tout ce qu’on voulait. Son expérience et ses conseils durant ma jeunesse m’ont permis de croire que je pouvais accomplir de grandes choses. Si je n’ai jamais atteint mes objectifs personnels au cours de ma carrière de joueuse, je les ai atteints très rapidement dans ma carrière d’entraîneuse, ce qui m’a permis de croire que c’était là que j’avais vraiment ma place, comme si j’avais trouvé ma vocation.
Q : Au début de votre carrière d’entraîneuse, comment vous sentiez-vous acceptée au sein de ce sport en tant que femme?
Dagg-Jackson : Tout d’abord, l’entraînement en était à ses balbutiements au curling. Il n’y avait pas de postes d’entraîneur ou d’entraîneuse à proprement parler dans ce sport avant bien plus tard dans ma carrière. J’ai dû aller sur la scène internationale pour trouver un emploi dans le curling. À mes débuts, j’étais l’une des rares femmes à exercer ce métier. Lorsque le métier d’entraîneur s’est développé, il y avait encore très peu de femmes. Aux niveaux supérieurs, c’étaient surtout des hommes qui entraînaient. Je pense que c’était plus égalitaire aux niveaux communautaire et débutant, comme chez les jeunes, mais au niveau de la haute performance, c’était moins courant. Lorsque j’ai décidé de devenir entraîneuse professionnelle, j’ai changé mes priorités, et c’est mon expérience d’entraîneuse en début de carrière qui m’a permis d’acquérir des compétences. Les équipes que j’ai entraînées ont remporté des médailles, ont participé aux Jeux olympiques et ont gagné le Tournoi des Cœurs Scott. À partir de là, j’ai acquis une certaine notoriété, ce qui m’a incitée à peaufiner ma qualification et à prendre confiance en moi, sachant que j’avais vraiment ma place en tant qu’entraîneuse.
Q : Au cours de votre carrière d’entraîneuse, quels changements avez-vous observés dans le paysage du curling féminin au Canada?
Dagg-Jackson : La visibilité, sans aucun doute. Le Tournoi des Cœurs Scotties a toujours été un modèle pour les femmes dans le curling, mais à l’époque, c’était en quelque sorte la seule chose. Cela a créé une lueur d’espoir et d’inspiration pour les femmes dans le curling. Mais les femmes et les filles de mon club ne croyaient pas forcément qu’elles atteindraient ce niveau. Au fil des ans, les possibilités se sont multipliées. On a vu plus de femmes dans les publicités, sur les réseaux sociaux, sous les projecteurs, gagner en notoriété et, bien plus tard, recevoir les mêmes bourses en argent. Il y avait autrefois une grande différence entre certains aspects d’un championnat national masculin et d’un championnat national féminin, et Curling Canada a ensuite jugé que tout devait être égal. Ce fut un grand jour pour le curling.

Q : Quel est l’objectif de l’initiative Femmes du curling?
Dagg-Jackson : L’idée de départ était la suivante : si le curling est un sport inclusif pour les femmes, que faudrait-il faire de plus pour exceller réellement dans ce domaine? Nous cherchons des moyens de rendre notre sport encore plus formidable et de faire du curling un chef de file en matière d’égalité des sexes et d’égalité des chances pour les femmes.
À nos débuts, l’objectif était d’offrir aux femmes un espace où elles se sentaient à leur place, où elles pouvaient gagner en confiance et où, lorsqu’elles s’asseyaient à la table, elles avaient l’impression d’être entourées d’autres femmes avec qui elles pouvaient apprendre et réseauter. Nous voulons que les femmes sentent qu’elles auront l’occasion d’apprendre de nouvelles choses en participant à des webinaires ou à notre conférence, en développant leurs compétences grâce à l’initiative « Briser la glace pour entraîneuses » ou en aidant la prochaine génération à découvrir le curling grâce au programme « Briser la glace ». L’objectif est de fournir un espace sécuritaire où les femmes peuvent tisser des liens, apprendre et s’épanouir.
Q : Pourquoi la communauté est-elle si importante pour la participation des femmes au curling?
Dagg-Jackson : C’est ce sentiment formidable que l’on ressent lorsqu’on se sent lié par quelque chose que tout le monde a en commun. Comme si on se sentait chez soi avant même de connaître qui que ce soit. Le curling offre cela. Par exemple, au cours de ma vie, j’ai souvent déménagé d’une ville à l’autre. Dès que vous entrez dans une installation ou un club de curling, vous vous sentez chez vous. Instantanément. Quelqu’un vous regarde : « Tu joues au curling? Super, entre. » C’est un endroit où l’on se sent immédiatement chez soi, on se sent bien, on a des amis. Je ne connais aucun autre sport comme celui-là.
Q : Vous êtes passionnée par la participation des femmes à tous les niveaux du curling : qu’il s’agisse de les impliquer au niveau des clubs, d’exploiter un programme Briser la glace ou de les amener jusqu’au plus haut niveau du sport. Pourquoi est-ce une telle passion pour vous?
Dagg-Jackson : C’est un endroit formidable où il fait bon sentir que l’on a sa place, où l’on a besoin de vous et où l’on peut contribuer à changer les choses. Il y a de la place pour tout le monde au curling. Que vous jouiez, que vous regardiez, que vous soyez arbitre, un parent soutenant une équipe, un commanditaire, il y a de la place pour tout le monde. Nous devons donc regarder partout, des jeunes joueuses aux curleuses avec tige plus âgées, en passant par les joueuses seniors et les personnes ayant des problèmes d’accessibilité, les curleuses en fauteuil roulant, les curleuses aveugles et sourdes. Il y a une place pour tout le monde dans le curling. Nous avons besoin d’espaces pour relier ces éléments, en quelque sorte. Je crois donc qu’il est essentiel que des leaders et des organisations aient une voix pour transmettre ce message d’appartenance au curling. Parce que je crois vraiment que c’est vrai : il y a une place pour tout le monde, et nous devons le faire savoir à tout le monde.