Why Michele? Why?

Le Tournoi des cœurs Scotties commence cette fin de semaine à Red Deer, Alberta. La période des Championnats canadiens, féminins et masculins, est sans aucun doute le temps de l’année le plus difficile émotivement pour les anciens participants. C’est un moment où l’on doit se positionner, soit comme joueur déçu de ne pas y être soi- même, soit comme amateur. Une fois cette prise de conscience effectuée, ce choix assimilé, alors seulement peut-on se considérer comme un véritable amateur de curling. Donc ma prise de conscience étant faite, comme la plupart des amateurs de curling qui suivent de près les Championnats canadiens, j’ai passé les dernières semaines à surveiller quelles équipes seraient présentes à ce Championnat, quelles équipes remporteraient les différents Championnats provinciaux. Nous avons tous nos équipes favorites.  On préfère certaines à cause de leur personnalité. La télévision et les microphones sur les joueurs  nous offrent, sur un plateau d’argent, une visite guidée rapide des  traits de caractère des acteurs en présence. On peut rapidement s’identifier à l’un ou à l’autre sans avoir à lire sa biographie complète en trois volumes. Pour d’autres, on aime les regarder parce que l’on apprécie leur style de jeu. Certaines équipes sont super offensives, gardent une tonne de pierres en jeu, d’autres, plus conservatrices, optent pour un style plus facile à suivre pour le profane.  Quelques-unes sont simplement plus jolies  à regarder.  Difficile d’évaluer à quel point l’apparence physique de Cheryl Bernard a contribué à générer le million d’auditeurs pour RDS lors de la finale olympique de Vancouver en 2010. Alors de mon côté, je me suis réjoui de voir le retour de Jennifer Jones pour représenter le Manitoba. J’apprécie surveiller cette formation tout simplement parce que c’est la meilleure formation au monde. Elle présente un style de jeu agressif, n’a pas peur de garder plusieurs pierres en jeu et la capitaine a une très grande panoplie de coups dans son arsenal. Elle peut aussi bien réussir le placement précis que la double sortie tout en puissance. La présence de Marie-France Larouche est également une bonne nouvelle pour les amateurs.  Marie-France, avec son style de jeu très offensif, peut-être même un peu trop offensif au point de faire dresser les cheveux sur la tête de mes amis entraîneurs sur la scène nationale, a toujours été un des chouchous des  foules dans toutes les compétitions auxquelles elle a participé. Du côté de l’Alberta, il sera intéressant de surveiller Heather Nedohin. Heather, qui a connu du succès sur la scène canadienne au niveau junior ou dans les années où elle évoluait avec Cathy King, fera un retour au Tournoi des cœurs, cette fois-ci à titre de capitaine. Toutes les équipes qui réussissent à sortir de l’Alberta sont, d’entrée de jeu, des formations à surveiller. Je vais jeter un œil particulièrement intéressé également  du côté de la formation représentant Terre-Neuve/Labrador. Pas que je sois nécessairement  attiré par le style des sœurs Strong qui forme le cœur de cette formation, mais plutôt pour surveiller la performance de la jeune  Jennifer Cunningham, fille de Cathy Cunningham, qui a dominé durant si longtemps le curling féminin dans cette province. Signe incontournable de notre vieillissement quand les enfants des joueurs que vous avez côtoyés si longtemps se retrouvent à leur tour sous les réflecteurs. Mais l’équipe que je vais surveiller le plus attentivement, et cela, probablement pour des raisons tout autres que celles mentionnées ci-dessus, est celle de Michèle Englot de la Saskatchewan. Comme on dit en bon Québécois : ‘’Cossé qu’elle fait là, elle?’’ Pour ceux qui ne connaissent pas Michèle Englot, rappelons que celle-ci a participé dans les années 90 à plusieurs Championnats canadiens à titre de représentante de la Saskatchewan. Dans les années  80 et  90, elle portait le nom de Michèle Ridgway ou même de Michèle Schneider; elle était l’une des puissances en curling féminin sur la scène nationale. Elle a même participé aux essais olympiques de 2001 à Regina qui visaient à déterminer les représentants du Canada en vue des Olympiques de Salt Lake City, terminant avec un dossier positif de 5 victoires et 4 défaites lors  de cette compétition, l’une des plus relevées de l’histoire du curling féminin canadien. Michèle Englot, nous ne l’avons  revue qu’une seule fois depuis 2001. Sa carrière, tout comme celle de votre interlocuteur,  dans les hautes sphères du curling canadien, semblait bel et bien terminée.  À l’âge vénérable de 48 ans, ce qui, même dans un sport comme le curling que l’on qualifie de ‘Life long sport’, est un âge avancé  où l’espoir de faire un retour sur la grande scène est plus utopique que réaliste. Ne devait-elle pas, tout comme votre interlocuteur,  avoir fait une croix définitive sur ses aspirations à participer à un Championnat canadien??? Cette récente victoire au Championnat provincial de la Saskatchewan, par l’équipe Englot, m’a rappelé l’un des discours les plus motivants qu’il me fût donné d’entendre dans le monde du Curling. En 1999, Colleen Jones de la Nouvelle-Écosse remportait un deuxième titre canadien de sa carrière.  Colleen avait été la plus jeune capitaine de l’histoire à remporter un Championnat canadien féminin en 1982, à l’âge de 22ans. Ce n’est que 17 ans plus tard qu’elle a réédité l’exploit. Lors de la présentation du trophée, la Capitaine de la Nouvelle-Écosse avait partagé, avec les auditeurs, ses impressions sur cette victoire et surtout sur le parcours depuis 1982. Ce parcours avait été rempli de déceptions, souvent de désespoir quant à un autre titre éventuel. Mais elle avait cependant précisé que jamais elle n’avait jamais perdu ses rêves. Je me rappelle très bien ce moment, comme on se rappelle souvent des moments importants, des évènements qui nous marquent en bien ou en mal. J’étais assis, entouré d’amis curleurs,  dans un club de curling. Nous avions monté le volume pour bien suivre les paroles de la nouvelle Championne canadienne. Ce discours très émotif avait définitivement  touché une de mes cordes sensibles. Ses paroles, je me les suis répétées à une multitude de reprises durant ma carrière, chaque fois en fait que de rester assis sur mon divan me semblait beaucoup plus attrayant que d’aller me geler les fesses sur une glace de curling.  Colleen, par son exemple de détermination, m’a servi de modèle, de source d’inspiration, m’a incité à me dépasser. Je me demande bien où était  Michele Englot ce fameux soir de février 1999.  Je parierais qu’elle était, tout comme moi, rivée sur l’écran de son téléviseur… Mais la véritable question qui me hante depuis que j’ai vu son nom sur la liste des participantes au Championnat canadien  reste à savoir,  si Michèle Englot me forcera à ressortir ma semelle glissante de ma boîte d’objets recyclables, moi qui, pour la première fois depuis  ma vie sportive,  étais en paix avec ma décision. Twitter @hemmingsguy